-As tu pu marcher aujourd’hui?
-Oui.
-Et donc ?
– Oui, j’ai honte, mais oui, j’ai repris. Il y a longtemps que je ne savais pas vraiment ce que cela voulait dire. J’ai eu l’impression de subir la marche jusqu’à lors comme pour faire comme les autres, de me marcher sur la tête, me hisser à hauteur et au rythme des autres. C’est fou, je ne comprends pas comment j’en suis arrivée là. C’est pourtant quelque chose de simple de marcher à son propre rythme.
Respirer, marcher, se détendre, c’est simple, mais je me rends compte que je suis parvenu au fil du temps à complexifier cette mécanique inée. Le moindre pas me désarmait et marcher avec les autres étaient un supplice . C’est incroyable. Et donc depuis que j’ai décidé de commencer, seule, ma lutte contre l’immobilisme, je me suis moi même étonnée de reprendre gout au plaisir de marcher, sentir le sol, prendre conscience du déroulement des pas. J’en ai souri ( éclat de rires).
Et chose encore plus curieuse, aujourd’hui je ne suis pas allée marcher seule, ma mère m’a accompagnée, pendant quelques secondes, j’ai réussi à calquer mon pas au sien. J’étais si heureuse; mais je n’ai pas osé lui dire tout ce que j’éprouvais à l’idée de pouvoir faire cela seule avec elle. C’est beau de pouvoir avancer. J’ai ralentis le pas, je l’ai laissé passer devant moi, me dépasser. A quoi pensait-elle? Je ne sais pas. Et quand elle fut, à dizaine de mètres devant moi, j’ai eu l’impression de monter dans son train vers le passé : j’ai repensé à ses années, décennies de vie ici, ses joies et tourments, sa famille ici, là bas, ses joies et peines… Et à cet instant précis, elle marchait, malgré tout, le pas noble, tranquille, libre et en paix. J’étais fière de l’avoir avec moi, devant moi.
Demain, si c’est possible, je continuerai à marcher, et tout les autres jours tant que c’est possible.
Mais au fait, tu dois trouver cela complètement banal???
-Non, pas du tout, l’individu je trouve ne se rends pas compte de tout ces petits accomplissements quotidiens, quand on s’en rend compte, on comprends combien on est au fond très riche de nous mêmes.
©chemindetraverse. été2016.